C’est dans une salle bien remplie et sous un
tonnerre d’applaudissements que Philippe Geluck fait son entrée au Main Hall du
Taylorian de l’université d’Oxford. S’il n’est venu qu’une fois à Oxford il y a
près de 40 ans, nous dira-t-il plus tard, il affectionne cette ville, ce pays,
la culture et la langue anglaises. Quelques mots d’introduction (en anglais justement)
et cinq minutes auront suffi à Geluck pour faire rire et détendre son public. Nous
sommes déjà tous sous le charme d’un humoriste sans manières ni prétentions.
Il commence par nous parler de ses premières
influences, de l’âge d’or de la bande-dessinée en Belgique. Très jeune, il est
attiré vers un certain genre d’humour, satirique, voire noir. Il cite Hara
Kiri, Monty Python et Ricky Gervais et on apprend au passage ce qui le fait
rire : déranger l’autorité, le poil à gratter chez les gens trop sérieux, une
mouche sur le nez du président normal …
Si Geluck sait faire rire, il sait aussi faire
réfléchir. Quand on l’interroge sur l’humour, les définitions ne manquent pas.
L’humour, c’est flirter avec le mauvais goût ; l’humour, c’est le déséquilibre
inattendu ; l’humour est synonyme de vie, d’amour ; c’est une vertu
positive et vitale ; l’humour est aussi un moyen de dialoguer. Mais
l’humour, c’est avant tout la liberté.
Dans le contexte sensible de l’attentat
Charlie Hebdo, qui dit liberté pense à la liberté d’expression, à laquelle on a
porté atteinte le 7 janvier 2015. Alors l’humoriste revient sur la question posée
par son essai de 2013, Peut-on rire de
tout ? Un peu moins qu’avant, se désole Geluck. Puis, vite rattrapé
par son positivisme évident, il se corrige : oui, on peut rire de tout, mais
pas avec tout le monde. D’où l’importance, pour faciliter le dialogue par
l’humour, d’insister sur les points communs, sur les valeurs universelles.
Flirter avec le mauvais goût mais sans aller trop loin … parce que nous
n’avons pas tous appris à rire de la même façon, parce que défendre la liberté
d’expression, c’est bien mais faire rire avec de la responsabilité, c’est
mieux.
Geluck évoque un devoir de dialogue,
d’ouverture, de tolérance et d’écoute. Pour lui, la liberté d’expression n’est jamais
totale, elle est en constante évolution et n’est pas à l’abri de phases de
resserrement.
© Photo Berny Sèbe |
© Photo Berny Sèbe |
Pour dissiper les tensions quand le sérieux commence
à s’installer, Geluck parle de son « compagnon de création » et
« compagnon de route » qui ne cesse de l’émerveiller, Le fameux Chat.
Il
nous dit que Le Chat est en quelque sorte un Robin des bois du gag qui vise
surtout les salopards et l’autorité. Il est là pour exorciser les démons, pour
aborder les sujets graves et angoissants avec légèreté. Quelques images pour
illustrer ce qu’il veut dire et c’est le fou rire général !
© Photo Berny Sèbe |
L’artiste nous révèle que sa plus grande peur n’est
pas de se lasser mais plutôt de manquer d’inspiration. Alors justement, comment
lui vient cette inspiration qu’il accueille toujours comme un miracle ?
Lectures, immersion dans divers sujets, voire rêves d’abeilles et de
moustiques !
L’heure défile et la discussion se tourne vers
la Belgique natale du dessinateur, ce « pays de boutiquiers », pour
citer Baudelaire, que Geluck trouve étrange et attachant. Il la voit comme une planète
d’influences, un berceau d’artistes et de créateurs qui plait pour son côté
décalé et pour son absence totale d’arrogance mais qui pourtant a du mal à
s’aimer.
Avant de nous quitter, Geluck nous parle de son nouveau travail avec Le Chat, des tableaux et des statues, de son agenda chargé, des ventes aux enchères et œuvres caritatives.
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