mercredi 8 août 2018

Rencontre avec Richard Anconina (25 mai, St John's Auditorium)


Le 25 mai 2018, c’est au tour de l’acteur français Richard Anconina de venir nous rendre visite à Oxford, pour le troisième événement de l’année, et pour discuter, cette fois, de cinéma. Dans le grand auditorium de St John’s College, il est revenu sur les grands rôles qui ont marqué sa carrière, sur son parcours, sur sa conception du métier d’acteur, sans oublier de raconter de nombreuses anecdotes de tournage, pour le plus grand bonheur d’un public conquis.
Mais avant d’évoquer ses rôles les plus importants, Richard Anconina nous explique en quelques mots d’où lui est venue sa vocation d’acteur. Né à Paris dans une famille juive originaire du Maroc, il reçoit ce qu’il appelle lui-même une éducation classique, dans laquelle une autorité parentale ferme mais juste n’entrave pas l’imagination des enfants. Même si c’est d’abord cette possibilité de rêver qui lui a sans doute permis d’envisager de devenir acteur, ce n’est que plus tardivement qu’il découvre sa vocation. A l’âge de vingt ans, avec un brevet professionnel d’électrotechnique en poche, il décide de se lancer dans des activités socioculturelles, et devient animateur dans un centre de vacances. C’est à ce moment-là, en faisant rire les gens, en leur « donnant du bien-être », selon ses propres mots, qu’il décide de devenir acteur.
Quelques années plus tard, en 1981, il est découvert par le public dans le film Le Choix des Armes d’Alain Corneau, avec Gérard Depardieu, Yves Montand et Catherine Deneuve. Deux ans plus tard, en 1983, il joue aux côtés de Coluche dans le film Tchao Pantin de Claude Berri, dans lequel son interprétation du personnage de Bensoussan lui a valu deux Césars, celui de meilleur acteur dans un second rôle, et celui de meilleur espoir masculin. Coluche, qui tenait beaucoup à ce qu’il obtienne le rôle, lui conseilla même de mentir au réalisateur sur son âge et de prétendre qu’il n’avait pas plus de vingt-deux ans, un âge plus proche de celui de son personnage, même si à l’époque, Richard Anconina a déjà trente ans. Comme la clé du film réside dans la très forte complicité entre les deux personnages interprétés par Anconina et Coluche, Bensoussan et Lambert, Claude Berri a accepté le choix de Coluche.
Richard Anconina nous explique qu’il a rapidement pris conscience de faire un film avec un acteur qui était un véritable « phénomène social » pendant le tournage de Tchao Pantin. Lui-même a été pris pour un passant curieux par un policier qui essayait d’éloigner les nombreuses personnes venues pour apercevoir Coluche ! Mais au-delà de son immense notoriété, Coluche était aussi un excellent acteur : Richard Anconina se souvient de l’apparente facilité avec laquelle il entrait dans son personnage dès qu’il enfilait son costume, et avec quelle aisance il avait réussi à jouer ce rôle dramatique et sérieux, malgré sa réputation de comique. C’est un signe auquel on reconnaît les grands acteurs, note Anconina.
Après ce film, et ses deux Césars, il enchaîne les rôles : on ne pourra s’arrêter que sur quelques uns des plus marquants, et les relations de Richard Anconina avec les metteurs en scène et les acteurs qui ont été ses partenaires sur les différents tournages. Nous évoquerons d’abord le film Police (1985) de Maurice Pialat, dans lequel il joue le personnage de Lambert : il se souvient d’un tournage « difficile » et décrit Maurice Pialat comme un metteur en scène complexe, qui ressemble à un peintre qui aurait envie de déchirer sa toile après chaque plan. Il évoque ensuite une approche très différente, celle de Claude Lelouch, pour lequel il jouera le personnage de Duvivier dans Itinéraire d’un enfant gâté (1988), avec Jean-Paul Belmondo. Sur le tournage, même si rien n’est laissé au hasard, l’improvisation est permise : dans une scène, Lelouch déclenche quelques répliques incontournables, puis les acteurs peuvent inventer. Par exemple, la célèbre scène dans laquelle le personnage de Belmondo apprend au personnage joué par Richard Anconina à dire « bonjour ! » avec le ton juste durait 33 minutes à l’origine, mais a été élaguée par le réalisateur. Richard Anconina décrit Belmondo comme un homme très généreux, qui laisse de la place à ses partenaires sur le tournage, et avec lequel il a partagé beaucoup de choses lors de ce tournage de trois semaines, notamment de longues parties de pétanque dans la brousse, se souvient-il, amusé.
Il évoquera également un autre tournage atypique, celui du film Le Petit Criminel (1990) de Jacques Doillon, dans lequel le jeune garçon est joué par un enfant de la DASS dont les éducateurs étaient présents sur le tournage. Pour Richard Anconina, ce jeune garçon est un bon exemple d’une qualité essentielle pour qu’un acteur soit crédible dans son rôle : sa principale qualité était « d’être vrai », même s’il n’était pas un acteur professionnel. Un acteur, selon Richard Anconina, défend un personnage, en passant avant tout par les émotions. C’est pourquoi un acteur n’a pas besoin de passer six mois à observer le fonctionnement d’un commissariat ou d’un tribunal pour interpréter correctement le rôle d’un policier ou d’un avocat : ce sont les émotions qui comptent et par lesquelles il faut être habité pour être crédible, et non pas une fonction ou un métier.
Nous ne pourrions terminer le panorama de la carrière de Richard Anconina sans mentionner l’immense succès des trois volets de La Vérité Si Je Mens (1997, 2001, 2012). Contrairement à ce qu’il a évoqué à propos d’autres tournages, Richard Anconina nous explique que l’improvisation n’est pas possible sur un tournage comme celui-là, car les acteurs sont trop nombreux, et on ne peut donc pas se permettre le désordre. Il compare le scénario à « un papier à musique », où tout est réglé avec la plus grande précision. Cela ne signifie pas pour autant que les acteurs n’ont pas leur mot à dire : lors d’une première lecture à table du scénario, les acteurs peuvent faire des propositions aux auteurs et aux metteurs en scène. Il ajoute que la comédie est un genre difficile, mais que le fait d’être en terrain de confiance, sur un tournage où il y a une bonne ambiance, comme celui de La Vérité, rend les choses plus aisées. Et bien sûr, il est très difficile de toujours rester sérieux !
Richard Anconina n’est pas un acteur qui cherche à « tourner pour tourner ». Selon lui, il est important d’adhérer à l’intégralité d’un projet, et il choisit donc ses rôles avec soin. Ce choix se fait en plusieurs étapes : il faut d’abord lire le scénario et voir si, exactement comme lorsqu’on lit un roman, on est captivé ou pas. Ensuite, il faut se demander si on est la bonne personne pour le rôle, ce qui n’est pas toujours le cas, même avec un excellent scénario. D’après lui, il est possible d’avoir le coup de foudre pour un scénario dès cette première étape de lecture, ou même après, pendant le tournage. Il décrit son double coup de foudre pour le scénario de La Vérité : il a d’emblée trouvé le scénario très drôle, un scénario qui « égratigne », selon ses termes, c’est-à-dire qui parvient à être à la fois respectueux et moqueur, mais il a eu une seconde révélation en arrivant sur le tournage et en découvrant l’équipe d’acteurs, « les garçons », comme il les appelle.
Enfin, après avoir partagé avec nous des souvenirs des multiples rôles, tous très différents, qui ont marqué sa carrière, Richard Anconina évoquera pour terminer certains types de rôles qu’il voudrait jouer, des rôles « forts » comme celui de Dustin Hoffman dans Kramer contre Kramer, certains rôles de Daniel Auteuil ou de Vincent Cassel... Différents rôles qui viendront sans doute s’ajouter à la filmographie déjà extrêmement variée de cet acteur.

Événement organisé par Dr Michael Abecassis,
Cinéma et Culture Française à Oxford
Article rédigé par Virginie Trachsler

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